LES MALADIES RARES DU PERITOINE

Sommaire

Pseudomyxome péritonéal

La maladie gélatineuse du péritoine se caractérise par des tumeurs mucineuses disséminées du péritoine et des ascites mucineuses de l’abdomen et du pelvis.

Synonymes :

Ascite gélatineuse, Maladie gélatineuse du péritoine

Épidémiologie :

L’incidence annuelle estimée est environ de 1 nouveau cas /1 000 000, avec une prédominance féminine. Le diagnostic est habituellement porté après 40 ans.

Description clinique :

Dans 30 à 50% des cas, la maladie se manifeste par une distension progressive de l’abdomen (ou « abdomen gélatineux »). La découverte d’une masse ovarienne ou l’apparition récente d’une hernie inguinale, une appendicite ou une occlusion intestinale peuvent conduire au diagnostic. Douleur abdominale, perte de poids, symptômes urinaires, constipation, vomissements, ou dyspnée sont des signes cliniques moins fréquents.

Étiologie :

Dans 90% des cas, la lésion primitive est une tumeur mucineuse appendiculaire, (des tumeurs mucineuses de l’ovaire ont été rapportées -7%-, plus rarement du colon, de l’estomac, du pancréas, et de l’ouraque).

Méthode de Diagnostic :

Le diagnostic repose sur le scanner thoracoabdominopelvien (qui révèle la distribution cloisonnée caractéristique de l’ascite gélatineuse) et sur l’examen anatomopathologique (effectué par deux experts) ; le dosage des marqueurs tumoraux (antigène carcinoembryonnaire et CA 19-9) est moins spécifique.

Diagnostic Différentiel :

Le diagnostic différentiel doit éliminer les carcinomatoses péritonéales secondaires et les autres tumeurs rares du péritoine.

Traitement :

La prise en charge thérapeutique est pluridisciplinaire et doit être effectuée au sein d’un centre expert (réseau RENAPE): la meilleure option curative est la chirurgie de cytoréduction complète (résections viscérales et péritonectomie) combinée à une chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP), parfois suivi d’une chimiothérapie intraveineuse, protocole thérapeutique qui ne peut être envisagé que pour des patients jeunes et en bon état général.

Pronostic :

La maladie gélatineuse du péritoine est lentement progressive et la récidive après ablation totale de la tumeur reste possible. Après traitement combiné (chirurgie de cytoréduction complète et CHIP) d’un pseudomyxome péritonéal non agressif, le taux de survie atteint 70% à 20 ans pour les patients pris en charge par un centre expert.

Professeur François-Noël Gilly et Professeur Olivier Glehen (27 Octobre 2010)

Mésothéliome péritonéal malin

Le mésothéliome péritonéal malin (MPM) est une tumeur maligne péritonéale primitive des cellules pariétales (mésothélium) de la cavité péritonéale. Le mésothéliome péritonéal représente 10 à 30% des mésothéliomes malins.

Synonymes :

Mésothéliome malin primitif, Mésothéliome péritonéal malin diffus

Épidémiologie :

L’incidence annuelle est d’environ 1/500.000 en France mais elle atteint 1/200.000 dans certaines régions d’Europe (Italie). La maladie touche les hommes avec prédilection. Le diagnostic est habituellement porté chez l’adulte d’âge mûr (médiane: 55 ans).

Description clinique :

Les signes cliniques inauguraux typiques sont une distension abdominale, une douleur abdominale, la présence d’une masse abdominale, une altération de l’état général, une perte de poids et une ascite. Une dyspnée, des troubles de coagulation, un œdème des membres inférieurs et une occlusion intestinale peuvent être observés.

Étiologie :

La relation entre le mésothéliome péritonéal et l’exposition à l’amiante n’est pas clair, notamment chez les femmes, ni établi comme il l’est dans le mésothéliome pleural. D’autres agents ont été rapportés telles que l’exposition à l’érionite, les infections virales et les produits vaccinaux et/ou une susceptibilité génétique.

Méthode de Diagnostic :

Le diagnostic repose sur les examens d’imagerie, comme l’échographie et le scanner thoracoabdominopelvien. Le diagnostic est confirmé par l’immunomarquage approprié du prélèvement biopsique (positif pour la calrétinine et négatif pour l’ACE) et doit être examiné par 2 experts (Réseau MESOPATH).

Diagnostic Différentiel :

Les diagnostics différentiels sont la carcinose péritonéale secondaire à un cancer colorectal ou gastrique et le carcinome péritonéal primitif.

Traitement :

Le traitement est pluridisciplinaire et doit être effectué au cein d’un centre expert (réseau RENAPE) ; le traitement curatif repose sur la chirurgie de cytoréduction (résections viscérales et péritonectomies) combinée à la chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique (CHIP) chez certains patients (jeunes, en bon état, avec un faible volume tumoral). Une chimiothérapie systémique par Alimta (disodium pemetrexed) et cisplatinium peut être utilisée en traitement palliatif, ou une chimiothérapie intrapéritonéale.

Pronostic :

Avec un traitement palliatif (chimiothérapie systémique), la survie médiane n’atteint pas 1 à 2 ans. Après une chirurgie cytoréductrice et une CHIP, la médiane de survie peut atteindre plus de 50 mois avec un taux de survie à 5 ans de plus de 50%.

 

Professeur Olivier Glehen, RENAPE (27 Octobre 2010)

Mésothéliome kystique du péritoine

Le mésothéliome kystique du péritoine est une tumeur bénigne rare caractérisée par la formation de masses kystiques multiloculaires intra-abdominales.

Synonymes :

Kyste à inclusion péritonéal multiloculaire, Mésothéliome multikystique, Mésothéliome péritonéal multikystique bénin

Épidémiologie :

Moins de 150 cas ont été rapportés jusqu’ici. Il survient plus fréquemment chez les femmes en âge de procréer.

Description clinique :

Les symptômes sont une douleur abdominale basse ou pelvienne, la présence d’une masse palpable, une aménorrhée, une dysurie, une dyspareunie, et plus rarement un amaigrissement.

Étiologie :

Les masses se situent habituellement à la surface péritonéale de l’utérus et du rectum chez la femme, et de la vessie et du rectum chez l’homme. Une dissémination peut atteindre les parties supérieures de la cavité péritonéale. Le mésothéliome kystique du péritoine semble provenir du mésothélium péritonéal. Cependant, son étiologie est inconnue. Il n’y pas de relation avec l’exposition à l’amiante. Le mésothéliome kystique du péritoine survient fréquemment chez les femmes ayant des antécédents de chirurgie ou d’inflammation pelvienne, ou d’endométriose. L’irritation péritonéale chronique peut être un facteur aggravant.

Méthode de Diagnostic :

Le diagnostic repose sur l’échographie abdomino-pelvienne, le scanner abdominal et la laparoscopie montrant des formations multi-kystiques cloisonnées en grappe de raisin. La biopsie montre des kystes remplis de liquide translucide, à paroi fine, vascularisée et composée de tissu conjonctif lâche. L’immunohistochimie confirme le diagnostic en montrant l’origine mésothéliale des cellules pariétales (cet examen doit être effectué par des anatomopathologistes experts – réseau MESOPATH).

Diagnostic Différentiel :

Les principaux diagnostics différentiels sont le lymphangiome kystique du péritoine, la maladie gélatineuse du péritoine, et d’autres lésions néoplasiques kystiques.

Traitement :

Le schéma thérapeutique doit être établi au sein d’un centre expert (réseau RENAPE). Le traitement est chirurgical et repose sur l’ablation des kystes. En cas de récidive ou en traitement de première ligne, la chirurgie de cytoréduction combinée à la chimiothérapie intrapéritonéale hypothermique (CHIP) doit être envisagée chez certains patients (jeunes et en bon état général) et elle améliore la survie sans maladie.

Pronostic :

Le pronostic est habituellement bon. Tous les patients traités par protocole combiné sont en vie à 5 ans. Avec la chirurgie seule, la maladie persiste ou récidive inéluctablement. Une évolution invasive ou maligne a été décrite.

Professeur Olivier Glehen, RENAPE (27 Octobre 2010)

Léiomyomatose péritonéale disséminée

La léiomyomatose péritonéale disséminée (LPD) se caractérise par la prolifération dans la cavité péritonéale de multiples nodules bénins à cellules musculaires lisses.

Synonymes :

Léiomyomatose péritonéale diffuse

Épidémiologie :

Moins de 150 cas ont été rapportés dans la littérature jusqu’ici. La LPD se manifeste à l’âge adulte et touche les femmes avec prédilection.

Description clinique :

La majorité des cas sont asymptomatiques mais des signes cliniques ont été rapportés à type de douleur abdominale et pelvienne, saignements rectaux ou vaginaux et troubles gastro-intestinaux plus rarement. Une transformation maligne est rare et quelques cas de métastases hépatiques et pulmonaires ont été observés.

Étiologie :

L’étiologie est inconnue mais la LPD semble être une maladie multifactorielle, des facteurs hormonaux (taux élevés en œstrogène et progestérone) ou génétiques entraînant une métaplasie des cellules mésenchymateuses péritonéales. Chez certaines femmes, la LPD proviendrait de fragments de léiomyome utérin dans la cavité abdominale après une intervention par laparoscopie.

Méthode de Diagnostic :

La détection repose sur les examens d’imagerie comme l’échographie. Le diagnostic est confirmé par la biopsie des nodules montrant la présence de cellules musculaires lisses sans atypie ni nécrose, de fibroblastes et de myofibroblastes.

Diagnostic Différentiel :

Les diagnostics différentiels sont les léiomyomes parasitaires, la léiomyomatose intraveineuse et d’autres carcinomatoses péritonéales primitives ou secondaires.

Traitement :

Selon l’extension de la maladie, le traitement de première ligne de la LPD est une excision ou une cytoréduction chirurgicale. La prise d’hormones (comme les contraceptifs oraux) doit être interrompue. La chimiothérapie systémique avec la doxorubicine et la dacarbazine a été proposée comme option thérapeutique dans les rares cas de tumeurs inextirpables ou métastastiques.

Pronostic :

Le pronostic est habituellement bon, hormis le décès rapporté dans quelques cas de tumeurs inextirpables ou métastastiques.

Professeur Olivier Glehen, RENAPE (27 Octobre 2010)

Carcinome péritonéal primitif

Le carcinome péritonéal primitif (CPP) est une tumeur maligne rare de la cavité péritonéale d’origine extra-ovarienne, cliniquement et histologiquement semblable à un carcinome séreux ovarien de degré élevé.

Synonymes :

CPP, carcinome péritonéal primitif extra-ovarien, Carcinome papillaire séreux du péritoine, carcinome séreux péritonéal primitif, carcinome séreux primitif du péritoine

Épidémiologie :

Le CPP représente environ 10% des carcinomes épithéliaux ovariens. Il est presque exclusivement rencontré chez les femmes. Le CPP peut survenir plusieurs années après une ovariectomie pour maladie bénigne ou une ovariectomie prophylactique. La tumeur apparaît à l’âge adulte, à 60 ans en moyenne au moment du diagnostic.

Description clinique :

Les symptômes sont une grosseur abdominale, une constipation, des troubles digestifs, des nausées, des vomissements, une anorexie et une perte de poids.

Étiologie :

La tumeur se développe dans le péritoine et dissémine à l’abdomen, au pelvis et sur l’ovaire. Le CPP et le carcinome ovarien séreux sont histologiquement semblables, et il est souvent impossible de déterminer le site d’origine au stade avancé lorsqu’ovaires, cavité abdominale et trompes de Fallope sont tous atteints. Le CPP a une origine épithéliale et dérive probablement de l’épithélium cœlomique embryonnaire. La trompe de Fallope en serait le site primitif. Les femmes portant des mutations du gène du cancer du sein de type 1 (BRCA) ont un risque plus élevé.

Méthode de Diagnostic :

La détection repose sur les examens d’imagerie comme l’échographie. Le diagnostic est confirmé par la biopsie des nodules montrant la présence de cellules musculaires lisses sans atypie ni nécrose, de fibroblastes et de myofibroblastes.

Diagnostic Différentiel :

Le principal diagnostic différentiel est le cancer épithélial de l’ovaire.

Traitement :

La prise en charge thérapeutique est pluridisciplinaire et doit se faire au sein d’un centre expert (réseau RENAPE) :chirurgie de cytoréduction (résections viscérales et techniques de péritonectomie) combinée à la chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique (CHIP) chez certains patients (jeunes, en bon état général et avec un faible volume tumoral) après ou suivant une chimiothérapie systémique (Carboplatine et Taxol et/ou Avastin) si la maladie n’est pas accessible à la chirurgie cytoréductrice optimale.

Pronostic :

Le pronostic est sombre, similaire ou pire que celui du carcinome ovarien.

Professeur Olivier Glehen, RENAPE (27 Octobre 2010)

Tumeur desmoplastique à petites cellules

La tumeur desmoplastique à petites cellules (TDPC) est un cancer agressif des tissus mous qui touche typiquement les séreuses du péritoine abdomino-pelvien), se propage à l’épiploon et aux ganglions lymphatiques et se dissémine par voie hématogène principalement au foie. Une localisation primitive extra-séreuse, exceptionnelle, a été rapportée. Cette tumeur est extrêmement rare.

Synonymes :

Tumeur desmoplastique à petites cellules rondes

Épidémiologie :

Seules quelques centaines de cas ont été rapportés dans le monde depuis sa première description en 1989. Elle touche l’homme avec prédilection, adolescent ou adulte jeune, avec un rapport de quatre hommes pour une femme.

Description clinique :

Les symptômes et signes cliniques ne sont pas spécifiques. La tumeur se manifeste par des douleurs abdominales, une augmentation du volume de l’abdomen, une dyspepsie et/ou des vomissements et un amaigrissement selon le degré de la maladie. Une masse abdominale palpable, une occlusion gastro-intestinale, une ascite, et une hépatomégalie peuvent être observées.

Étiologie :

La tumeur peut provenir d’autres sites primitifs comme le cerveau, le thorax, le poumon, la région para-testiculaire, les ovaires ou la cavité nasale, sans signes cliniques caractéristiques. La tumeur semble avoir une origine mésothéliale. Une translocation spécifique t(11;22)(p13;q12) est trouvée dans presque tous les cas : elle juxtapose le gène EWS au gène suppresseur de tumeur WT1. Cependant, le mécanisme moléculaire sous-jacent demeure inconnu. Plusieurs autres translocations chromosomiques associées ont été décrites (t(5;19), t(X;16) et t(4;10)).

Méthode de Diagnostic :

Le diagnostic est difficile à cause de la rareté de la tumeur et de sa ressemblance avec d’autres tumeurs à petites cellules rondes. Le diagnostic repose sur l’examen clinique, l’examen endoscopique (laparoscopie) et/ou les examens d’imagerie (radiographie, scanner thoracoabdominopelvien). La biopsie montre des nids de petites cellules rondes peu différenciées avec peu de cytoplasme et des noyaux hyperchromatiques entourés d’un stroma desmoplastique. Les cellules peuvent avoir une différenciation épithéliale, mésenchymateuse ou neuronale. Le diagnostic est confirmé par le profil immuno-polyphénotypique (les cellules tumorales expriment la cytokératine, la desmine, et l’énolase neurone spécifique) et l’identification moléculaire de la translocation EWS/WT1 par FISH et RT-PCR.

Diagnostic Différentiel :

Les diagnostics différentiels sont toutes les tumeurs à petites cellules rondes : le sarcome d’Ewing et autres tumeurs périphériques neuro-éctodermiques (PNET), la tumeur de Wilms, le rhabdomyosarcome et le carcinome indifférencié (voir ces termes).

Traitement :

Les patients doivent être pris en charge au sein d’un centre expert (réseau RENAPE) : près de 30% des tumeurs desmoplastiques sont mal diagnostiquées et donc incorrectement prises en charge. Le traitement repose sur une poly-chimiothérapie intensive (5 à 7 produits) à doses élevées pour réduire la tumeur, suivie d’une chirurgie de cytoréduction optimale et d’une radiothérapie abdominale. Des études prospectives sont en cours pour évaluer le rôle de la chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique (CHIP), de la chimiothérapie d’entretien et de la thérapie ciblée.

Pronostic :

Le pronostic est réservé. La durée médiane de survie est de 17 mois et moins de 20% des patients vivent plus de 5 ans après le diagnostic.

Docteur Gwenaël Ferron, RENAPE (27 Octobre 2010)