Alice – 30 ans – janvier 2020

J’ai été opérée d’un pseudomyxome péritonéal de bas grade il y a quatre mois. Je vais aujourd’hui très bien. Je reprends le travail dans quelques jours à mi-temps thérapeutique et je profite pleinement de chaque moment de vie. J’espère que ce témoignage vous permettra d’aborder cette épreuve de vie (pour malade et proche) le plus sereinement possible. Les témoignages existants m’ont été bien précieux.

Tout a commencé par un bilan de fertilité. On découvre que je suis atteinte du syndrome des ovaires poly-kystiques. Une nouvelle assez compliquée à encaisser pour une jeune femme désireuse de devenir maman. Pendant les examens, la gynécologue découvre une masse au niveau de mon ovaire droit. Après exploration (IRM pelvienne), il s’avère que cette masse est sur mon intestin, un diverticule de Meckel me dit-on, bénin. Mais je dois tout de même contrôler cela avant d’envisager une grossesse. Et le résultat tombe après un scanner effectué le 02 août 2019 : mucocèle appendiculaire rompue. J’ai un rendez-vous en urgence avec un chirurgien digestif le lendemain qui me réfère à une spécialiste au CHRU.

Ma vie bascule. Je dois annuler mes vacances, je tente d’appréhender l’idée que je suis malade, malade sans me sentir malade. Je n’ai aucun symptôme, c’est peut-être ça le plus dur. Et ma vie personnelle qui part à la dérive aussi. L’homme avec lequel je partage ma vie depuis six ans me quitte. Une semaine après avoir soufflé mes 30 bougies, je dois faire face à deux épreuves incroyables : une séparation, et surtout, la maladie.

Je ne me laisse jamais abattre. Ma mère m’accompagne à tous les rendez-vous médicaux. Le contact avec la chirurgienne qui va me prendre en charge est très fort. Je suis tout de suite en confiance. Elle prend le temps de m’expliquer ce qui m’arrive et ne précipite pas l’annonce du diagnostic, qui est cependant assez certain : je semble être atteinte d’un pseudomyxome péritonéal. Cela se confirme avec l’IRM péritonéale et la prise de sang. L’opération est programmée le 10 septembre, soit à peine plus d’un mois après le scanner. Je ne réalise pas vraiment ce qui m’arrive mais je suis convaincue d’une chose : je vais m’en sortir. En quelques semaines je me prépare du mieux possible à l’intervention : psychologue, sophrologue, naturopathe et acupuncture. Je profite de mes proches et essaye de prendre un maximum de poids. D’un naturel anxieux, je n’ai étonnamment pas peur de ce qui m’attend. Ce que je redoute le plus c’est la cicatrice, et ce fameux mot de 6 lettres qu’on ne s’attend jamais à dire de soi-même : cancer. Mais on se découvre une force assez folle dans des épreuves de vie telle que la maladie. Le soutien de mes proches est précieux et indispensable, tout comme le contact avec une bénévole d’AMARAPE, avec laquelle j’ai pu échanger à plusieurs reprises.

Le jour J arrive vite, et après une courte nuit dans ma chambre d’hôpital, je descends sur mes deux jambes en salle d’opération et m’installe moi-même sur la table. L’intervention dure sept heures. On me retire la vésicule, une partie de l’intestin et du colon, on nettoie et on gratte beaucoup de péritoine, puis la CHIP. Comme prévu, mes ovaires sont conservés ce qui me permettra un jour peut-être de devenir maman. Je me réveille assez tranquillement. Les tubes sont nombreux : une sonde naso-gastrique, une péridurale, une sonde urinaire, une voie centrale, un drain et une perfusion dans le poignet. Je passe trois jours en soins intensifs. Je me lève le lendemain de l’opération pour passer quelques heures assise. C’est dur mais j’ai le moral et surtout je n’ai aucune douleur. Le personnel est remarquable. Le matériel médical disparaît assez rapidement : la sonde naso-gastrique au bout de 24 heures, ce qui me permet de me réalimenter (même si je n’ai pas vraiment d’appétit). Je suis transférée en soins classiques trois jours après l’intervention et il ne me reste que mon drain et la voie centrale. Je n’ai toujours pas de douleurs et à J5 je ne prends que quelques grammes de Dafalgan par jour pour calmer un mal de tête dû au retrait de la péridurale. Mes premiers pas sont fragiles et j’ai toujours du mal à m’alimenter et me lever mais je récupère très vite. Prise de sang six jours après l’opération avec un super résultat : ma CRP est normale. Les médecins décident donc me laisser sortir le lendemain. Je n’en reviens pas mais je suis aux anges !

De retour chez moi, je passe beaucoup de temps alitée (lit médicalisé installé dans le salon) et je me repose. Je ne fais rien. Je laisse mon corps se remettre de cette épreuve et compte beaucoup sur mes proches qui se relaient à mes côtés. L’appétit revient et chaque jour je constate un nouveau progrès : première douche, première balade à l’extérieur, premier restaurant, etc. Le plus compliqué à gérer a été le transit, très rapide et imprévisible. Il faut être patient. J’ai été suivie par un kiné pendant quelques mois : rééducation des abdominaux et du dos car la posture en prend un coup. J’ai pu déménager début novembre dans mon nouveau chez moi et savoure chaque instant de cette nouvelle vie qui s’offre à moi. Je me sens vivante et sereine. Je ne suis pas la même après cette épreuve, je le sens et mes proches me l’ont tous dit. Je n’ai jamais combattu la maladie, je l’ai accompagnée à partir. J’ai rapidement accepté ma cicatrice qui fait aujourd’hui partie de moi. Mon premier rendez-vous de contrôle a eu lieu fin octobre : prise de sang normale, et confirmation que j’étais atteinte d’un cancer de bas grade. Que des bonnes nouvelles. Prochain rendez-vous avec ma chirurgienne fin avril pour une IRM et une prise de sang de contrôle.

J’ai conscience d’avoir été très chanceuse de m’être remise aussi rapidement d’une opération aussi lourde. Je serai suivie pendant 15 ans pour cette maladie, mais je choisis de ne pas regarder cela comme une menace. C’est une nouvelle belle vie qui a démarré pour moi. Je vous souhaite à tous beaucoup de courage si vous devez traverser la même épreuve. On en ressort changé, c’est certain.