Aurélie – 36 ans – avril 2017

Je commence par une note positive : j’ai été opérée (CHIP) il y a un peu moins de 6 mois et vais très bien aujourd’hui.

Il est difficile de découvrir que l’on est atteint d’une maladie rare du péritoine, puis de subir une lourde opération combinant chirurgie et chimiothérapie intrapéritonéale ; mais on finit par retrouver une vie « normale » et surtout heureuse. Il me semble important d’insister sur cela, car les témoignages que nous apportons quand nous rencontrons ces maladies se focalisent sur la découverte de la maladie et son traitement, ce qui représente des épreuves dures à vivre. Mais l’issue peut vraiment être belle. Aujourd’hui je me sens bien, je suis en forme, je peux à nouveau vivre comme avant, et suis encore plus heureuse de pouvoir profiter de la vie qu’avant cette épreuve.

C’est en août 2015 que je commence à avoir une gêne dans l’abdomen, parfois accompagnée de douleurs. Parallèlement, j’ai tendance à perdre du poids alors que j’ai très bon appétit.

Au bout de quelques semaines, j’en parle à mon médecin traitant, avec qui nous avons tenté de trouver de quoi il s’agissait sans succès (échographie, traitement pour ballonnements, pour problèmes digestifs etc). Je finis par
consulter un gastro-entérologue, qui réalisera une coloscopie et une endoscopie, lesquelles ne révéleront rien non plus. Au terme de ces examens, cela fait 10 mois que nous cherchons ce qui provoque mes gênes et douleurs. C’est finalement au cours d’une échographie réalisée début juillet 2016 (donc 11 mois après les premiers symptômes de la maladie) que nous découvrons que j’ai une quantité abondante d’ascite dans l’abdomen. Ce constat est confirmé par un scanner qui ne dévoile rien de plus que cette abondance d’ascite (pas de grosseurs visibles), et une prise de sang montre que je présente des marqueurs tumoraux élevés (CA 125 en particulier, mais aussi CA 19-9). Le scanner ne permettant pas de déterminer la maladie qui m’affecte, on m’adresse à un gynécologue cancérologue qui effectue une
cœlioscopie fin juillet 2016. Il découvre que je suis atteinte d’une maladie du péritoine et me prends rendez-vous avec un chirurgien spécialiste du péritoine qui pratique des CHIP depuis longtemps (dans un centre spécialisé pour traitement des cancers).

Je rencontre ce chirurgien une semaine plus tard, le 5 août 2016, lequel cerne très bien ma maladie à la simple vue du scanner : il s’agit d’un pseudomyxome péritonéal. Les résultats des prélèvements réalisés pendant la cœlioscopie indiquent que ce pseudomyxome est de bas grade (on trouvera quelques foyers de haut grade dans les prélèvements réalisés lors de la CHIP). Le chirurgien se veut rassurant : il va pouvoir me guérir, mais cela ne se fera pas sans peine.
Etant atteinte de cette maladie depuis longtemps d’après le scanner, bien que celle-ci soit de faible agressivité, elle a eu le temps de se propager dans tout le péritoine. Cela signifie qu’il va devoir intervenir de façon importante chirurgicalement. Il m’explique ensuite en quoi consiste la CHIP (ce que le gynécologue m’avait déjà un peu expliqué) : le travail de coupe chirurgicale sera immédiatement suivi d’une chimiothérapie intrapéritonéale qui permettra de tuer toutes les cellules que le chirurgien n’aura pu supprimer car invisibles à l’œil nu. Une infirmière m’explique alors ce qui m’attend après l’opération : grosse fatigue, moral en berne, etc. Une autre me présente ce qu’est une stomie car il y a une chance sur deux pour que l’on m’en mette une.

L’opération est prévue le 26 septembre 2016. Je décide de me préparer du mieux possible à l’opération.

Comme beaucoup de ceux qui passent par là (et peut-être ceux qui liront ce témoignage et qui vivent cette situation actuellement) après avoir été assommée par la nouvelle, je décide d’être combative et de ne pas céder au
désarroi (ce n’est pas facile mais c’est la seule méthode pour aller de l’avant… Puis je n’ai que 36 ans, et ai une petite fille âgée de 20 mois au moment des faits, je me dois donc de tenir bon. J’ai aussi la chance d’être plutôt de nature optimiste et battante, évidemment cela m’a beaucoup aidée). Je me fais alors accompagner par une femme médecin spécialisée en cancer et nutrition afin de prendre du poids avant l’opération ; je recours à quelques séances d’acupuncture ; je me fais accompagner par une psychologue tant pour digérer tout ce qui me tombe dessus que pour me préparer à l’opération… Et je suis par chance extrêmement bien entourée : conjoint, famille, amis sont tous là pour me porter, et cela est une aide immense pour traverser cette épreuve. Si certains lecteurs de ce témoignage sont des proches d’une personne atteinte d’une maladie rare du péritoine, je vous dirais que vous êtes une aide considérable pour cette personne et qu’en l’épaulant, la rassurant, lui montrant que vous êtes là, vous lui apportez beaucoup. Pour ma part je me suis sentie portée par mon entourage, et rien n’aurait pu autant m’aider.

J’arrive en forme le 25 septembre à l’institut où je vais me faire opérer, contente de pouvoir être enfin soignée.

L’opération dure 11 heures… La maladie s’étant beaucoup étendue (score de 29 sur une échelle de 39 pour mesurer l’étendue de la maladie), les chirurgiens ont du boulot : résection de plusieurs feuillets de péritoine, de la rate, des ovaires et trompes, de l’épiploon, d’un morceau de colon… et des heures de travail sur l’estomac afin de le sauver. J’échappe cependant à la stomie, ce qui est une bonne nouvelle.

La première semaine post-opératoire (en soins intensifs) est très difficile. Je m’y étais préparée, mais la réalité est dure à vivre. La péridurale me permet pourtant de ne pas souffrir du ventre, mais je comprends mieux ce que le chirurgien a voulu dire en m’indiquant qu’après l’opération j’aurais l’impression qu’un « bulldozer m’a roulée dessus ». En effet, j’avais l’impression que l’on m’avait tabassée pendant des heures.
Impossible de bouger, je me sentais brisée, ce à quoi se sont ajoutées de réels désagréments : difficultés pour respirer (l’opération est assez dure pour les poumons dont les alvéoles se referment, et la ceinture abdominale serrée n’aide pas vraiment, mais elle est évidemment indispensable pour éviter l’éventration), emballement très fréquent du rythme cardiaque, effets neurologiques de la chimiothérapie (mains et pieds complètement
crispés, impossible de les bouger), énormes bouffées de chaleur (je transpire tant qu’on doit me changer les draps du lit, cela étant probablement dû à la suppression des ovaires), quelques nausées parfois, dues à la sonde naso-gastrique… Et une énorme fatigue.

La toilette, réalisée dans le lit, est un réel effort : le simple fait de devoir essayer de se tourner légèrement sur le côté afin que les aides soignantes puissent passe le gant dans le dos est un énorme effort (d’autant que sur les côtés de l’abdomen et de la poitrine se trouvent des drains). Un kinésithérapeute vient me voir quotidiennement pour me faire
faire quelques exercices respiratoires afin d’éviter des conséquences néfastes pour mes poumons. Ces exercices sont courts mais me paraissent si difficiles et interminables. Plusieurs fois par jour (3 fois me semble-t-il, pendant une durée déterminée), je dois porter un masque pour respirer ; celui-ci envoie de l’air à très grande vitesse (il sert à rouvrir les alvéoles pulmonaires), si bien que je suis incapable de respirer avec. Une solution sera trouvée pour y remédier : il existe une machine qui atteint le même but mais de façon moins efficace. Il s’agit également de porter un masque mais l’air qui en sort l’est de façon beaucoup plus atténué que celui du premier masque (dont je ne me souviens
plus le nom). Etant donné que cette machine est moins efficace, il faut porter le masque plus longtemps dans la journée pour obtenir le même effet.
Après cela, je dois porter un autre masque pour les aérosols.

Quelques jours après l’opération , on me fait une transfusion sanguine suite à une volémie (chute de tension et accélération du rythme cardiaque). On m’enlève la péridurale et suis désormais soulagée par la morphine. Je ressens les premières douleurs abdominales.

Parallèlement à cela, on commence à me faire asseoir au bord du lit. Quel effort ! Puis sur un fauteuil. Là aussi, la première fois est difficile, parce que la position est très inconfortable mais aussi parce que je me sens trop fatiguée pour rester assise. Puis au fil des jours, je finis par m’y faire et mieux tenir.

Au bout d’une semaine, je quitte les soins intensifs. La deuxième semaine est marquée de progrès bien que je me sente toujours très mal. Je parviens à m’asseoir plus souvent et commence à marcher. Mais j’ai très souvent la nausée (effet de la chimio…). Je ne m’alimente pas encore mais ai très souvent le réflexe de vomissement. Les anti-nauséeux font parfois un peu effet, pendant quelques heures. Je souffre de douleurs abdominales que l’on ne peut pas toujours soulager, surtout lors de l’arrêt de la morphine (indispensable pour le retour du transit). Toujours d’énormes bouffées de
chaleur et des insomnies récurrentes, probablement dues à un état de nervosité que rien ne parviendra à calmer, et un moral en berne (apparemment très fréquent chez ceux qui subissent une CHIP).

C’est au début de la troisième semaine que mon état s’améliore assez soudainement et de façon durable : finies les nausées et douleurs, je me sens plus en forme, plus vive. A partir de ce moment-là, mon état n’a fait que s’améliorer à tous les niveaux. Je recommence à manger progressivement (très petites quantités au départ, et demi-ration au bout de quelques jours). Je peux rentrer chez moi à la fin de la troisième semaine d’hospitalisation. Même si je suis encore très fragile, je récupère bien une fois chez moi. Je retrouve un bon moral et progresse physiquement. Je me fais de nouveau aider par la femme médecin spécialisée en nutrition et cancer (notamment pour reprendre du poids), par la psychologue et l’acupuncteur pendant quelques semaines. Deux mois après l’opération, je commence à vraiment me sentir bien même si j’ai encore besoin de faire une sieste et de me reposer à certains moments de la journée. Je recours à un
kinésithérapeute pour masser ma cicatrice et réduire les adhérences. Quatre mois après l’opération, je me sens comme avant, si ce n’est que je n’ai pas repris le travail, ce qui évidemment aide à se sentir en forme. Je reprends progressivement mes activités sportives. Et je n’ai pas eu la moindre douleur abdominale depuis mon retour à la maison.

J’ai insisté sur les aspects particulièrement difficiles de la période post-opératoire dans ce témoignage pour que ceux qui s’y préparent sachent à quoi s’attendre. C’est une épreuve vraiment difficile, mais pour aider à mieux accepter de la subir, j’ajouterais qu’elle ne dure pas si longtemps (deux semaines pour moi), ce qui paraît interminable sur le coup mais court après coup ; les progrès ensuite permettent de passer le cap et d’oublier petit à petit ces durs moments.

Ce qui a considérablement contribué à amoindrir la dureté de cette épreuve est d’avoir été très entourée, pendant l’hospitalisation et après, une fois de retour chez moi. Mais aussi le travail incroyable réalisé par les
chirurgiens et autres médecins, les infirmièr(e)s et les aides-soignant(e)s : je parle non seulement de leur travail « technique » mais aussi de leur capacité à accompagner, soulager, réconforter et rassurer les patients. Je ne sais comment remercier tout ce personnel qui a tout fait pour apporter de la douceur dans cette épreuve.