Quand je suis allé voir mon médecin traitant en septembre 2012 pour ce que je pensais être un ganglion gonflé, je n’avais pas imaginé que c’était le début d’un long trajet, qui ne s’est pas encore terminé. J’étais en plein forme, un peu fatigué après une saison estivale bien remplie et c’était tout. Je n’avais mal nulle part, pas de symptômes inquiétants, ni rien.
Mon médecin constatait que j’avais simplement une hernie dans le pli de l’aine, mais en vérifiant mes ganglions, il constatait qu’ils étaient un peu gonflés. « Laissons examiner d’où ça vient par un scanner » me disait-il. Je tarde à faire faire le scanner parce que tout cela ne me paraissait pas très inquiétant.
Début octobre, mon médecin me communiquait le résultat du scanner : beaucoup d’ascite dans mon ventre, donc, apparemment une maladie rare du péritoine. Il organisait très vite un rendez-vous avec un professeur.
A ce moment-là, j’ai cherché des informations sur Internet (avec l’avantage que je sais lire le français, l’anglais, le néerlandais et l’allemand). J’ai trouvé des informations de base et des explications concernant les différentes formes de cancer du péritoine (surtout sur le site de l’AMARAPE et sur quelques sites américains bien plus informatifs que les sites en français). J’ai compris alors que mes perspectives dépendaient beaucoup de la forme précise du cancer, encore inconnue à cet instant, de son état de développement dans mon corps, et s’il avait affecté (ou pas) d’autres organes.
Mes perspectives vont alors de « inguérissable et peut-être quelques années à vivre » jusqu’à « guérison complète tout à fait possible ».
Toute bascule d’un coup pour moi. Je n’ai pas envie de quitter ce monde, j’ai des enfants que je veux bien voir grandir, je me suis beaucoup investi dans plusieurs domaines et plusieurs initiatives dépendent en bonne partie de mon engagement.
J’ai envie de vivre encore au moins 20 ans ! (…)
Je cherche aussi des informations sur des approches alternatives pour combattre le cancer. Je suis convaincu que la nourriture pourra jouer un rôle important. Mais ce que je trouve sur ce sujet est souvent contradictoire (par exemple : l’un préconise de ne pas consommer du soja, l’autre le conseille fortement ; l’un conseille certains autres produits que d’autres déconseillent). Je reçois aussi beaucoup de « bons conseils » de mon entourage. Mais je me perds dans tous ces conseils ! Donc, je suis ce qui me paraît « raisonnable » ou bien argumenté. (…) Je ne veux pas non plus combattre tout le temps cette maladie, comme plusieurs personnes de mon entourage me conseillent. Oui, je me bats pour rester en vie mais je veux utiliser mon énergie avec parcimonie pour garder une bonne qualité de vie et être dans la meilleure forme possible pour ce qui va suivre. (…)
A ce moment là, personne ne sait précisément quelle est ma maladie. Une cœlioscopie paraît nécessaire et est effectuée peu après, puis un PET-SCAN et une nouvelle cœlioscopie. (…)Les médecins ne sont pas tous du même avis. Le chirurgien décide d’une intervention chirurgicale avec une chimiothérapie intra péritonéale. Je serai donc opéré à peu près 11 semaines après que ma maladie a été détectée mais non diagnostiquée. Pour moi, c’est allé très vite parce que j’enchainais les rendez-vous médicaux et les attentes entre deux examens. (..)
J’entre à l’hôpital le dimanche 16 décembre sans savoir encore quelle maladie j’ai. Je le demande à l’interne qui me confirme qu’il s’agit bel et bien d’un pseudomyxome. Je pleure parce que mes chances de m’en sortir sont nettement plus élevées qu’avec d’autres formes de cancer du péritoine.
Le lendemain à 7 heures 30 je pars au bloc. (…). Le lendemain de l’intervention, j’apprends que le chirurgien m’a opéré pendant 11 heures…. Je suis dans mon lit d’hôpital totalement épuisé, avec un manque de souffle, plein des tuyaux sortant de mon corps, branché en permanence à des appareils. Je ne suis pas capable de bouger. Je ne peux penser à rien. Je survis d’heure en heure. (…)
J’ai des hallucinations suite à l’anesthésie et les médicaments contre la douleur. Je m’aperçois aussi que j’ai une stomie….. Le chirurgien passe me voir et m’explique qu’il a enlevé beaucoup de tissu attaqué, l’appendice, deux morceaux d’intestins, ma rate et ma vésicule. Plus tard, j’apprends aussi que le cancer dans mon appendice était de bas grade, mais que le cancer dans mon péritoine s’est transformé en cancer de haut grade. (…)
Mes intestins ne veulent pas reprendre leur fonction et je dois rester à l’hôpital. Je parle avec le psychologue de l’hôpital de toutes mes incertitudes, des questions que je me pose et de la douleur liée à cette mauvaise expérience de découverte d’un cancer suivi de cette opération. Ça me donne une occasion de parler franchement de tout ce qui me préoccupe. (…) Après 43 jours, je peux rentrer chez moi, très affaibli mais avec une bonne confiance que l’opération a eu l’effet souhaité de me débarrasser de ce cancer. (…)
Je passe mon premier scanner de contrôle en juin 2013. Le chirurgien voit de l’ascite derrière mon estomac et je prends rendez-vous pour un deuxième visite de contrôle en décembre 2013.
Entre temps, je continue à me remettre (doucement !) et je reprends quelques activités dans lesquelles je m’étais investi beaucoup auparavant. Je suis convaincu que je me suis débarrassé du cancer et ne laisse qu’un très petit espace dans mes cerveaux pour d’autres scénarii.
En décembre, le chirurgien est clair : le cancer n’est pas éradiqué et se manifeste par une grande tâche d’ascite derrière l’estomac et une autre en dessous du foie. Il voit aussi une troisième tâche dans mon thorax…….. « Il faut mettre toutes les chances de notre côté » dit-il. Il prévoit une chimiothérapie, suivie d’une nouvelle grosse opération et ensuite de nouveau une chimiothérapie (le protocole « sandwich »). (…)
Après 6 traitements de chimiothérapie, je suis tellement affaibli que j’ai du mal à rester assis longtemps, à marcher plus qu’une centaine de mètres et surtout, à rester debout pendant plus que 15 minutes. Ma vie a changé profondément. Je ne suis que capable à travailler un peu derrière mon ordinateur et passer quelques coups de téléphone pendant une semaine sur deux, en me reposant plusieurs fois par jour….. Pour quelqu’un qui était habitué à travailler 7 jours sur 7 pendant une dizaine d’heures par jour, c’est un vrai défi de m’incliner devant l’évidence de la faiblesse de mon corps. Mais je veux m’en sortir !
Le chirurgien propose une nouvelle intervention avec une CHIP, mais il ne peut rien dire sur la durée, parce que tout dépend de ce qu’il trouve dans mon corps en m’opérant. Il fixe la date dans son planning : le 26 mai 2014. (…)
D’ici-là, j’ai plusieurs semaines pour reprendre un peu mes forces et pour transmettre mes responsabilités associatives et politiques à d’autres personnes….. parce que je sais que je ne pourrai rien faire pendant plusieurs mois et je ne sais pas ce que je veux et/ou peux faire après la nouvelle opération, surtout si mes perspectives ne sont pas bonnes. (…)
Tout est de nouveau très incertain et il est fort probable que cette incertitude ne sera pas levée avec l’opération.
Pour l’instant, pour moi, tout s’arrête là. Après, je verrai comment je serai sorti de cette nouvelle intervention lourde et peut-être, peut-être…. j’en saurai un peu plus sur mes perspectives.
[Ce témoignage s’arrête le 14 avril, mais j’espère écrire encore plusieurs pages avec des messages positifs après mon opération.]