Je me suis fait opérer d’un pseudomyxome péritonéal de bas grade en octobre 2020. J’avais 28 ans. Et je suis à ce jour à presque 2 ans de rémission. Tout va bien.
Comment l’a -t-on découvert ? Nous voulions un bébé. Au bout d’un an d’essai,il ne se passait rien, alors j’ai pris rdv avec une gynéco libérale. Nous avons commencé un bilan d’infertilité et c’est pendant l’échographie pelvienne que ma gynéco a détecté une masse.
Après un IRM et un scanner en urgence, le radiologue me rassure et me dit qu’il s’agit d’un kyste sur l’appendice. Quelques semaines plus tard, je subis une appendicectomie. Je pensais que l’histoire s’arrêterait là mais un mois plus tard, à un rdv que je pensais de contrôle, banal, j’apprends par mon chirurgien qu’en opérant il a découvert une mucocèle appendiculaire rompue. J’ai de la mucine dans l’abdomen. On m’annonce que c’est une maladie très rare. La maladie gélatineuse du péritoine. Je ne comprends pas. Je n’ai pas de symptômes. Je me sens en pleine forme ( avec le recul j’avais des douleurs comme des points de côté que je mettais sur le compte de la fatigue du travail). Je ne savais même pas ce qu’était le péritoine. Et lui, il me parle d’une lourde opération, d’un bain de chimio à haute température dans le ventre, d’une pose de péridurale pour plusieurs jours, d’anus artificiel, de m’enlever une partie du côlon, d’oncologue, de transfert de salle de réveil au service de réanimation en SAMU. De préservation d’ovocytes en urgence. C’est un cauchemar. Ma vie bascule.
Malgré tout, le lendemain de l’annonce de la maladie, nous partons en vacances en amoureux, c’était prévu. Cette année-là, nous avions décidé de partir à l’aventure, sans rien réserver, avec une tente, une table, des tabourets et un réchaud. Nous nous retrouvons en pleine nature avec le strict minimum. Je n’avais besoin de rien de plus. A croire que le destin fait bien les choses. Je me retrouve dans les rues de Saint Emilion à gérer les rendez-vous PMA pour une éventuelle préservation d’ovocytes. Le traitement que je prends pour bloquer mon cycle menstruel nous rappelle tous les jours qu’à notre retour, il faudra annoncer le cancer à notre famille.
Mais malgré tout ça, je vais passer les meilleures vacances de ma vie.
Nous rentrons et je vais être bien préparée pour vivre ce qui m’attend. Je ne me sens pas malade alors je continue de travailler mais j’aménage mon planning pour des tonnes de rendez-vous : gynéco, service PMA, des prises de sang, diététicienne, kiné, chirurgien, infirmières, stomathérapeute, assistante sociale, psychologue, oncologue, anesthésiste, cardiologue… Une vraie équipe organisée autour de moi. C’est mon nouveau cercle social et je m’habitue aux salles d’attente. Mathieu lui, ne peut pas m’accompagner à tous les rendez-vous, il travaille, et puis c’est le COVID. Parfois, on est gênés d’arriver à deux. Je me surprends à lui raconter tous ces rendez-vous avec le sourire. J’en suis presque contente. En même temps, je sens qu’on s’occupe bien de moi. Ils sont tous si bienveillants. Une semaine avant mon hospitalisation, j’ai visité avec Mathieu le service de réanimation et nous avons rencontré le personnel. Mon chirurgien m’avait conseillé du sport avant cette grosse intervention donc j’allais courir. Je ne le faisais jamais et j’arrivais bizarrement à faire des 10kms jusqu’à la veille de mon entrée à la clinique. J’ai vite compris que quand on veut on peut. Ça m’a fait un bien fou mentalement tout comme trier entièrement ma maison. Je me suis séparée de tout ce qui ne servait à rien.
C’est donc le 13 octobre 2020 que je rentre au bloc, très tôt, pour une CHIP, et une colectomie droite ainsi qu’un gros nettoyage dans l’abdomen.
Il était également prévu une stomie pendant 3 mois ( on m’a dérivé les intestins pour une meilleure cicatrisation interne). L’opération a duré 8 heures et je me réveille entourée par l’équipe du SAMU. Je n’ai aucune douleur mais je suis impressionnée. J’ai l’impression de regarder une émission comme « Enquêtes d’action » ou « 24h aux urgences » mais non c’est bien réel. C’est bien moi que l’on va transporter dans Brest. Mon baptême en ambulance. J’arrive en réanimation. Rapidement, je pense à Mathieu, mes parents. Leur journée a dû être horrible. Je demande un téléphone, ils sont ensemble et hallucinent de m’entendre plutôt en forme. J’ai activé le pilotage automatique et j’ai survécu pendant une semaine. Mon corps était faible, perfusé et relié aux fils des machines. Ces machines qui bipent jours et nuits , la cicatrice de ma laparotomie, l’oxygène dans le nez, les sondes gastrique, urinaire, les drains dans le ventre, la pompe de la péridurale dans la main pour auto gérer ma douleur, et ma stomie que l’on me vide, me change mais que je ne touche ni ne regarde pas. On m’a assise au fauteuil dès le lendemain de la CHIP et on me levait quelques minutes par jour. Je récupère mon téléphone, mon seul objet personnel, et je le regarde très peu. Je ne mangeais pas car je n’avais ni la faim ni la force. Par contre au niveau mental, j’étais déterminée. J’ai de la visite, ça me fait du bien.
Le kiné m’a proposé de faire du vélo allongé, j’ai accepté. Et avec Mathieu(mon conjoint) nous avons même tenté quelques parties de UNO, avec comme voisine de chambre, une femme qui venait de faire un arrêt cardiaque deux jours plus tôt. Elle vient à peine de se réveiller, elle a l’air d’aller bien. On est scotchés.
Après une semaine en réa, j’ai passé trois jours en soins intensifs. J’ai appris à faire les soins sur ma stomie. Elle ne me fait pas mal. Lorsque je la vois pour la première fois, je suis fascinée par mon corps, par la médecine et je me demande comment ce système est possible. J’avais déjà rencontré le stomathérapeute quelques semaines avant, j’ai eu droit à un cours , il a dédramatisé la situation, il a été génial. Je suis rentrée à la maison. Apaisée car l’on m’avait informée que la maladie était totalement enlevée, et qu’il y avait très peu de chance de récidive. Mais surtout, j’ai toujours mes ovaires et mon utérus . Mon médecin traitant et les infirmières à domicile prennent le relais. Je sais qu’ils sont disponibles et ça me rassure. Je suis plutôt en forme, positive, je vais marcher un peu tous les jours et je suis en totale autonomie avec ma stomie. J’en ai pris soin. Elle me sauve la vie. Elle est un peu bruyante mais on cohabite. On passe les fêtes de fin d’année ensemble. J’ai fini par l’aimer. On s’habitue à tout finalement.
Mi-janvier, je retourne au bloc pour la fameuse remise en continuité. Je reste deux jours à la clinique. Je suis pressée de rentrer. Les soins par méchage ont été durs et longs, mais mon médecin et les infirmières fidèles à elles même sont adorables. Pour ma digestion et mon transit ça a été très compliqué également. Je voulais manger, mais mon corps rejetait tous mes repas. Je pensais que le pire était derrière moi. Finalement non. J’ai perdu 13 kgs. J’étais très fatiguée et je ne voyais pas le bout du tunnel.
Mais il faut garder patience car un jour après l’autre est un pas vers la guérison. Il m’aura fallu six gros mois après la CHIP pour que mon corps s’en remette. Je m’estime chanceuse. Rapide mais intense. J’ai repris le travail à mi-temps thérapeutique pendant six mois avant le temps complet et ça a été super important pour ma reconstruction.
Aujourd’hui, physiquement, je me sens mieux dans mon corps avec 13 kg en moins, et tellement d’énergie. Niveau appétit, tout est rentré dans l’ordre. Je suis de nouveau gourmande. Mon transit est légèrement modifié, plus rapide, mais j’ai appris à connaître mon corps et surtout à l’écouter.
Dans ma tête, je n’ai plus l’impression d’être totalement la même. On n’en ressort changé, grandi. Je me rend bien mieux compte de ce qu’est une journée. De ce que veut dire le moment présent. Des plaisirs simples. De ce qu’est vraiment un problème. Sur quoi on s’attarde ou non. Je sais aussi que lorsque l’on me regarde, l’on imagine pas que je suis passée par toutes ces étapes. Ça m’a ouvert les yeux et ouverte aux autres. Finalement, j’essaye d’être moins dure et de ne pas juger les gens. On ne sait jamais vraiment ce qu’ils traversent, on montre ce que l’on veut.
Sans la maladie, je suis persuadée que je n’aurai pas eu ce mental d’acier et autant confiance en moi. Jamais, je n’aurai cru pouvoir supporter tout ce qu’il a fallu que j’affronte . Ça m’est tombé dessus , je n’ai pas eu le choix. J’ai fait comme j’ai pu et je suis fière. Les médecins me répètent
souvent que j’ai une chance incroyable que l’on ait détecté la maladie à ce stade, car elle est lente et silencieuse. Et j’en ai pris conscience très rapidement . Alors j’essaie de transformer tout ce qui m’arrive en positif.
Les moments de blues ne durent jamais longtemps.
Notre projet bébé est toujours en cours.
Nous avons été informés des risques de la CHIP et la préservation d’ovocytes n’a pas été possible dans mon cas car trop risqué de re-introduire la maladie plus tard. Tout s’est passé tellement vite, nous ne pensions pas au futur mais nous avons accepté et compris tout de suite la situation. Je savais déjà à ce moment-là que ça allait être un autre combat. La CHIP a fait des dégâts. Six mois après celle-ci, on m’a proposé de refaire une prise de sang pour un dosage AMH mais il m’a fallu un an pour me sentir prête à me faire manipuler pendant les examens, à confier mon corps aux médecins. Nous avons donc refait un bilan d’infertilité. Ma réserve ovarienne est basse et une de mes trompes est abîmée ou plutôt j’ai toujours mes ovaires et j’ai une trompe de perméable.
Aujourd’hui une grossesse est encore possible donc nous ne baissons pas les bras. J’ai la chance d’avoir une gynéco très pro, à l’écoute, impliquée, qui connait très bien mon histoire puisque tout a commencé avec elle (ce qui est rassurant pour moi). Nous allons tenté une 1ere FIV dans les prochaines semaines, je l’espère. J’ai encore du mal à réaliser qu’on en est là aujourd’hui. Je le vis comme une chance, être dans l’action c’est tout ce qui compte. Finalement c’est ce désir d’enfant qui m’a sauvé la vie alors je suis curieuse de voir la façon dont mon corps va réagir aux traitements et la suite des événements.
Avec Mathieu , nous prenons la vie comme elle vient, sans pression, plus soudés que jamais, nous profitons à fond de chaque moment car nous savons trop bien que notre monde peut s’écrouler. Mes cicatrices nous rappellent tous les jours cette période de notre vie. Je me suis fait tatouer, comme un besoin presque vital d’écrire le mot VIE sur mon corps. Je ne me souviens plus de mon corps d’ avant mais j’aime celui-ci. Chaque rendez-vous de contrôle est une épreuve et nous rappelle encore que la maladie plane au-dessus de notre tête mais la vie continue malgré tout.
Si vous me lisez , vous venez peut être d’être diagnostiqué et c’est le néant pour vous en ce moment. Un conseil, prenez étape par étape. Jour après jour. Laissez-vous guidez par les équipes médicales, faites leur confiance. Elles seront vos meilleures alliées pour les semaines, mois et même années à venir. Faites-vous également confiance, on ne connaît pas vraiment nos limites. Ça va être dur, mais dites-vous que c’est temporaire.
Face à la maladie, on se révèle, on se surprend, on s’impressionne de sa force soi-même. Aérez-vous et occupez-vous l’esprit. Lire et marcher en bord de mer dès que j’ai pu m’a aidée. Re-posezvous sur vos proches, surtout, laissez-vous aider. Ma famille, et particulièrement mon conjoint, ma maman, mon frère, mes meilleurs amis et mon filleul étaient de véritables piliers, mes béquilles. Ils ont été incroyables.
Je vous envoie pleins d’ ondes positives pour le combat de votre vie. Ça en vaut la peine. *La vie est belle*.